l’argent ; celui qu’on a dans sa bourse ou dans sa caisse ne rapporte pas d’intérêt, ce qui montre, pour le dire en passant, l’absurdité des personnes qui déclament sans cesse contre la productivité de l’argent, rien au monde n’étant plus improductif d’intérêts que la monnaie.
Ainsi, si un billet de banque reste un an dans la circulation, et passe par quarante mains, séjournant neuf jours dans chacune, c’est quarante personnes qui ont renoncé, en faveur de la Banque, aux droits qu’elles avaient sur les 40 fr. d’intérêts dus et payés par B. Chacune d’elles a fait un sacrifice de 1 fr.
Dès lors on a pu se demander si cet arrangement était juste, s’il n’y aurait pas moyen d’organiser une Banque nationale, commune, qui fît profiter le public du sacrifice supporté par le public, en un mot, qui ne perçût pas d’intérêts.
Si je ne me trompe, Monsieur, c’est sur l’observation de ce phénomène que se fonde votre invention. Elle n’est pas nouvelle. Ricardo avait conçu un plan moins radical, mais analogue[1], et je trouve dans Say (Commentaires sur Storch) ces lignes remarquables :
« Cette idée ingénieuse ne laisse qu’une question non résolue. Qui devra jouir de l’intérêt de cette somme considérable mise dans la circulation ? Serait-ce le Gouvernement ? Ce ne serait pour lui qu’un moyen d’augmenter les abus, tels que les sinécures, la corruption parlementaire, le nombre des délateurs de la police et les armées permanentes. Serait-ce une compagnie financière, comme la Banque d’Angleterre, la Banque de France ? Mais à quoi bon faire à une compagnie financière déjà riche le cadeau des intérêts payés en détail par le public ?… Telles sont les questions qui naissent à ce sujet. Peut-être ne sont-elles pas insolubles. Peut-être y a-t-il des moyens de rendre hautement profitable au public l’économie qui en résulterait ; mais je ne suis pas appelé à développer ici ce nouvel ordre d’idées. »
- ↑ Proposals for an economical and secure currency.