Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/326

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fornie, ni par autant de billets que la Banque du peuple en pourrait imprimer dans un an, et ils se disaient entre eux : le capital n’est pas ce qu’on dit.

Cependant, un de ces infortunés, nommé Hellen, plus énergique que les autres, se dit : je me lèverai plus matin, je me coucherai plus tard ; je ne reculerai devant aucune fatigue ; je souffrirai la faim et ferai tant que j’aurai une avance de trois jours de vivres. Ces trois jours, je les consacrerai à fabriquer un arc et des flèches.

Et il réussit. À force de travailler et d’épargner, il eut une provision de gibier. C’est le premier capital qui ait paru dans le monde depuis le déluge. C’est le point de départ de tous les progrès.

Et plusieurs se présentèrent pour l’emprunter. Prêtez-nous ces provisions, disaient-ils à Hellen, nous vous en rendrons tout juste autant dans un an. — Mais Hellen répondit : Si je vous prêtais mes provisions, je demanderais à partager les avantages que vous en retireriez ; mais j’ai un dessein, j’ai pris assez de peine pour me mettre en mesure de l’accomplir, et je l’accomplirai.

Et, en effet, il vécut trois jours sur son travail accumulé, et, pendant ces trois jours, il fit un arc et des flèches.

Un de ses compagnons se présenta de nouveau, et lui dit : Prête-moi tes armes, je te les rendrai dans un an. À quoi Hellen répondit : Mon capital est précieux. Nous sommes mille ; un seul peut en jouir, et il est naturel que ce soit moi, puisque je l’ai créé.

Mais, grâce à son arc et à ses flèches, Hellen put beaucoup plus facilement que la première fois accumuler d’autres provisions et fabriquer d’autres armes.

C’est pourquoi il prêtait les unes ou les autres à ses compagnons, stipulant chaque fois une part pour lui dans l’excédant de gibier qu’il les mettait à même de prendre.

Et malgré ce partage, les emprunteurs voyaient leur tra-