Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/47

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deux services. Ne saute-t-il pas aux yeux, en effet, que Pierre demande à Paul un service nouveau, supplémentaire et d’une autre espèce ? N’est-ce pas comme s’il disait : « Rends-moi le service de me laisser utiliser à mon profit pendant un an cinq francs qui t’appartiennent et que tu pourrais utiliser pour toi-même. » Et quelle bonne raison peut-on avoir de soutenir que Paul est tenu de rendre gratuitement ce service spécial ; qu’il ne doit rien demander de plus en vue de cette exigence ; que l’État doit intervenir pour le forcer de la subir ? Comment comprendre que le publiciste qui prêche au peuple une telle doctrine la concilie avec son principe : la mutualité des services ?

J’ai introduit ici le numéraire. J’y ai été conduit par le désir de mettre en présence deux objets d’échange d’une égalité de valeur parfaite et incontestable. Je voulais prévenir des objections ; mais, à un autre point de vue, ma démonstration eût été plus frappante encore, si j’avais fait porter la convention sur les services ou les produits eux-mêmes.

Supposez, par exemple, une Maison et un Navire de valeurs si parfaitement égales que leurs propriétaires soient disposés à les échanger troc pour troc, sans soulte ni remise. En effet, le marché se conclut par-devant notaire. Au moment de se mettre réciproquement en possession, l’armateur dit au citadin : « Fort bien, la transaction est faite, et rien ne prouve mieux sa parfaite équité que notre libre et volontaire consentement. Nos conditions ainsi fixées, je viens vous proposer une petite modification pratique. C’est que vous me livrerez bien votre Maison aujourd’hui, mais moi, je ne vous mettrai en possession de mon Navire que dans un an, et la raison qui me détermine à vous faire cette demande c’est que, pendant cette année de terme, je puis utiliser le navire. » Pour ne pas nous embarrasser dans les considérations relatives à la détérioration de l’objet prêté