Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/471

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Mais cette initiative, le cabinet la repousse. Il a présenté son budget, qui ne fait rien pour le contribuable et aboutit à un déficit effrayant. Puis il a dit : « Je n’ai pas à émettre des vues d’ensemble, je discuterai les détails quand le moment sera venu. » En d’autres termes : Je livre au hasard, ou plutôt à des chances aussi effroyables que certaines, les destinées de la France.

Et cela, pourquoi ? Le cabinet est composé pourtant d’hommes capables, patriotes, financiers. Il est douteux qu’aucun autre ministère eût pu mieux accomplir l’œuvre du salut commun.

Il ne l’essaye même pas. Et pourquoi ? Parce qu’il est entré aux affaires avec une idée préconçue. Idée préconçue ! que j’aurais dû te placer, comme fléau de tout raisonnement et de toute conduite, par delà la métaphore et le cercle vicieux !

Le ministère s’est dit : « Il n’y a rien à faire avec cette Assemblée, je n’y aurai pas la majorité ! »

Je n’examine pas ici toutes les funestes conséquences de cette idée préconçue.

Quand on croit qu’une assemblée est un obstacle, on est bien près de vouloir la dissoudre.

Quand on veut la dissoudre, on est bien près de travailler, sinon de manœuvrer dans ce sens.

Ainsi de grands efforts se sont faits pour réaliser le mal, au moment où il était si urgent de les consacrer à faire du bien.

Le temps et les forces se sont usés dans un conflit déplorable. Et, je le dis la main sur la conscience, dans ce conflit, je crois que le cabinet avait tort.

Car enfin, pour régler son action ou plutôt son inertie sur cette donnée : Je n’aurai pas la majorité ; il fallait du moins proposer quelque chose d’utile, et attendre un refus de concours.