Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/485

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du maïs à la place, on a dit : Avec ce maïs le métayer pourra vivre, et le propriétaire ne sera plus obligé de lui donner de quoi suffire à sa subsistance.

Sur tout le territoire, on a donc vu abattre des maisons et détruire des métairies. La conséquence, c’est qu’on a détruit autant de familles que de métairies ; la dépopulation a été énorme, et, depuis vingt-cinq ans le nombre des décès a dépassé celui des naissances.

Sans doute, quand la révolution se sera complétement faite, quand les propriétaires auront acheté pour 10,000 fr., ce qu’ils payaient autrefois 30,000 fr., quand le nombre des métayers sera réduit au niveau des moyens de subsistance que le pays peut fournir, alors je crois que la population ne pourra plus s’en prendre à l’impôt des boissons ; la révolution se sera faite, l’impôt retombera sur le consommateur ; mais cette révolution se sera faite au prix de souffrances qui auront duré un siècle ou deux.

Je demande si c’est pour cela que nous faisons des lois. Je demande si nous prélevons des impôts pour tourmenter les populations, pour les forcer de transporter le travail du coteau à la plaine et de la plaine au coteau. Je demande si c’est là le but de la législation. Quant à moi, je ne le crois pas.

Mais, messieurs, nous avons beau attaquer l’impôt, dire qu’il est inégal, vexatoire, dispendieux, injuste, il y a une raison devant laquelle tout le monde courbe la tête : c’est la nécessité. C’est la nécessité qu’on invoque ; c’est la nécessité qui vous engage à porter à cette tribune des paroles pour justifier l’impôt ; c’est la nécessité, rien que la nécessité qui vous détermine. On craint les embarras financiers, on craint les résultats d’une réforme (car je puis bien l’appeler une réforme) qui aurait pour conséquence immédiate de soustraire 100 millions au Trésor public : c’est donc de la nécessité que je veux parler.