Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/513

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mots qui ouvraient une voie très large à la défense des patrons, ou l’introduire dans l’art. 415 pour ouvrir la même porte aux ouvriers. La commission a préféré la suppression des mots injustement et abusivement. Sur quoi s’est-elle fondée ? Elle s’est fondée précisément sur ce que, immédiatement après ces mots, venait le mot forcer, et ce mot, souligné cinq fois dans une seule page de son rapport, prouve qu’elle y attache une grande importance. Mais elle s’en est exprimée très catégoriquement ; elle a dit :

« Quand un concert de mesures contraires aux lois a été établi pour forcer l’abaissement des salaires, il est impossible de le justifier. Un tel fait est nécessairement injuste et abusif ; car forcer l’abaissement des salaires, c’est produire, par un pacte aussi illicite que contraire à l’humanité, un abaissement de salaires qui ne serait pas résulté des circonstances industrielles et de la libre concurrence ; d’où il suit que l’emploi de ces mots injustement et abusivement choque le bon sens. »

Ainsi, comment a-t-on justifié l’élimination qu’on a faite des mots injustement et abusivement ? On a dit : C’est un pléonasme ; le mot forcer remplace tout cela.

Mais, messieurs, quand il s’est agi des ouvriers, on n’a plus mis le mot forcer, et dès lors les ouvriers n’ont plus la même chance de défense ; on a mis seulement qu’ils ne pourraient enchérir les salaires, non plus en forcer injustement ou abusivement l’élévation, mais les enchérir seulement. Il y a encore là, au moins dans la rédaction, un vice, une inégalité qui vient s’enter sur l’inégalité bien plus grave dont j’ai parlé tout à l’heure.

Tel est, messieurs, le système de la commission, système qui, selon moi, est vicieux de tout point, vicieux théoriquement, et vicieux pratiquement, système qui nous laisse dans une incertitude complète sur ce que c’est que le délit. Est-ce la coalition, est-ce le chômage, est-ce l’abus, est-ce la force ?