Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/541

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teurs de la constitution de 91, je ne puis m’empêcher de voir dans l’admissibilité des députés au ministère une cause toujours agissante de trouble et d’instabilité. Je ne pense pas qu’il soit possible d’imaginer une combinaison plus destructive de toute force, de toute suite dans l’action du gouvernement, un oreiller plus anguleux pour la tête des rois ou des présidents de républiques. Rien au monde ne me semble plus propre à éveiller l’esprit de parti, à alimenter les luttes factieuses, à corrompre toutes les sources d’information et de publicité, à dénaturer l’action de la Tribune et de la Presse, à égarer l’Opinion après l’avoir passionnée, à dépopulariser le vrai pour populariser le faux, à entraver l’administration, à fomenter les haines nationales, à provoquer les guerres extérieures, à ruiner les finances publiques, à user et déconsidérer les gouvernements, à décourager et pervertir les gouvernés, à fausser, en un mot, tous les ressorts du régime représentatif. Je ne connais aucune plaie sociale qui se puisse comparer à celle-là, et je crois que si Dieu lui-même nous eût envoyé, par un de ses anges, une constitution, il suffirait que l’Assemblée nationale y intercalât cet article 70 pour que l’œuvre divine devînt le fléau de notre patrie.

C’est ce que je me propose de démontrer.

J’avertis que mon argumentation est un long syllogisme reposant sur cette prémisse, tenue pour accordée : « les hommes aiment la puissance. Ils l’adorent avec tant de fureur que, pour la conquérir ou la conserver, il n’est rien qu’ils ne sacrifient, même le repos et le bonheur de leur pays. »

On ne contestera pas d’avance cette vérité d’observation universelle. Mais quand, de conséquence en conséquence, j’aurai conduit le lecteur à ma conclusion, savoir : Le ministère doit être fermé aux représentants ; — il se peut que, ne trouvant à rompre aucune maille de mon raisonnement, il revienne sur le point de départ et me dise : « Nego ma-