Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/548

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Je ne sais si, dans ce pays, le principe de la séparation des fonctions est stipulé au moins sur le papier. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’ombre même de ce principe ne se révèle pas dans les faits. Toute la puissance exécutive, législative, judiciaire et spirituelle réside dans une classe à son profit, la classe oligarchique. Si elle rencontre un frein, c’est dans l’opinion, et ce frein est bien récent. Aussi le peuple anglais n’a pas été jusqu’ici gouverné, mais exploité ; ainsi que l’attestent deux milliards de taxes et vingt-deux milliards de dettes. Si depuis quelque temps ses finances sont mieux administrées, l’Angleterre n’en doit pas rendre grâce à la confusion des pouvoirs, mais à l’opinion qui, même privée de moyens constitutionnels, exerce une grande influence, et à cette prudence vulgaire des exploiteurs, qui les a décidés à s’arrêter au moment où ils allaient s’engloutir, avec la nation tout entière, dans le gouffre ouvert par leur rapacité.

Dans un pays où toutes les branches du gouvernement ne sont que les parties d’une même exploitation, au profit des familles parlementaires, il n’est pas surprenant que les ministères soient ouverts aux membres du parlement. Ce qui serait surprenant, c’est qu’il n’en fût pas ainsi, et ce qui l’est bien davantage encore, c’est que cette bizarre organisation soit imitée par un peuple qui a la prétention de se gouverner lui-même, et, qui plus est, de se bien gouverner.

Quoi qu’il en soit, qu’a-t-elle produit en Angleterre même ?

On n’attend pas sans doute que je fasse ici l’histoire des coalitions qui ont agité l’Angleterre. Ce serait entreprendre son histoire constitutionnelle tout entière. Mais je ne puis me dispenser d’en rappeler quelques traits.

Walpole est ministre : une coalition se forme. Elle est dirigée par Pulteney et Carteret pour les wighs dissidents