Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/100

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duit à vivre de chasse. Il est aisé de comprendre que si, chaque soir, il avait consommé tout le gibier pris dans la journée, jamais il ne pourrait entreprendre aucun autre ouvrage, bâtir une hutte, réparer ses armes ; tout progrès lui serait à jamais interdit.

Ce n’est pas ici le lieu de définir la nature et les fonctions du Capital ; mon seul but est de faire voir que certaines vertus morales concourent très-directement à l’amélioration de notre condition, même au point de vue exclusif des richesses, et, entre autres, l’ordre, la prévoyance, l’empire sur soi-même, l’économie.

Prévoir est un des beaux priviléges de l’homme, et il est à peine nécessaire de dire que, dans presque toutes les circonstances de la vie, celui-là a des chances plus favorables qui sait le mieux quelles seront les conséquences de ses déterminations et de ses actes.

Réprimer ses appétits, gouverner ses passions, sacrifier le présent à l’avenir, se soumettre à une privation actuelle en vue d’un avantage supérieur mais éloigné, ce sont des conditions essentielles pour la formation des capitaux ; et les capitaux, nous l’avons entrevu, sont eux-mêmes la condition essentielle de tout travail un peu compliqué ou prolongé. Il est de toute évidence que si deux hommes étaient placés dans des conditions parfaitement identiques, si on leur supposait, en outre, le même degré d’intelligence et d’activité, celui-là ferait plus de progrès qui, accumulant des provisions, se mettrait à même d’entreprendre des ouvrages de longue haleine, de perfectionner ses instruments, et de faire concourir ainsi les forces de la nature à la réalisation de ses desseins.

Je n’insisterai pas là-dessus ; il suffit de jeter un regard autour de soi pour rester convaincu que toutes nos forces, toutes nos facultés, toutes nos vertus, concourent à l’avancement de l’homme et de la société.