Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/145

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que le privilége a faits, elles sont de bonne foi et agissent, j’en suis convaincu, plutôt par ignorance que par injustice. C’est un malheur irréparable, que les gouvernements qui se sont succédé en France aient toujours mis obstacle à l’enseignement de l’économie politique. C’en est un bien plus grand encore, que l’éducation universitaire remplisse toutes nos cervelles de préjugés romains, c’est-à-dire de tout ce qu’il y a de plus antipathique à la vérité sociale. C’est là ce qui fait dévier les classes supérieures. Il est de mode aujourd’hui de déclamer contre elles. Pour moi, je crois qu’à aucune époque elles n’ont eu des intentions plus bienveillantes. Je crois qu’elles désirent avec ardeur résoudre le problème social. Je crois qu’elles feraient plus que de renoncer à leurs priviléges et qu’elles sacrifieraient volontiers, en œuvres charitables, une partie de leurs propriétés acquises, si, par là, elles croyaient mettre un terme définitif aux souffrances des classes laborieuses. On dira, sans doute, que l’intérêt ou la peur les anime et qu’il n’y a pas grande générosité à abandonner une partie de son bien pour sauver le reste. C’est la vulgaire prudence de l’homme qui fait la part du feu. — Ne calomnions pas ainsi la nature humaine. Pourquoi refuserions-nous de reconnaître un sentiment moins égoïste ? N’est-il pas bien naturel que les habitudes démocratiques, qui prévalent dans notre pays, rendent les hommes sensibles aux souffrances de leurs frères ? Mais, quel que soit le sentiment qui domine, ce qui ne se peut nier, c’est que tout ce qui peut manifester l’opinion, la philosophie, la littérature, la poésie, le drame, la prédication religieuse, les discussions parlementaires, le journalisme, tout révèle dans la classe aisée plus qu’un désir, une soif ardente de résoudre le grand problème. Pourquoi donc ne sort-il rien de nos Assemblées législatives ? Parce qu’elles ignorent. L’économie politique leur propose cette solution : justice légale,charité privée. Elles prennent le contre-pied ; et