Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/220

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compose est considérable ; elle est petite, si les valeurs le sont. »

Les ignorants donnent les deux sens au mot Richesse. Quelquefois on les entend dire : « L’abondance des eaux est une Richesse pour telle contrée, » alors ils ne pensent qu’à l’Utilité. Mais quand l’un d’entre eux veut connaître sa propre richesse, il fait ce qu’on nomme un inventaire où l’on ne tient compte que de la Valeur.

N’en déplaise aux savants, je crois que les ignorants ont raison cette fois. La richesse, en effet, est effective ou relative. Au premier point de vue elle se juge par nos satisfactions ; l’humanité devient d’autant plus Riche qu’elle acquiert plus de bien-être, quelle que soit la valeur des objets qui le procurent. Mais veut-on connaître la part proportionnelle de chaque homme au bien-être général, en d’autres termes, la richesse relative ? C’est là un simple rapport que la valeur seule révèle, parce qu’elle est elle-même un rapport.

La science se préoccupe du bien-être général des hommes, de la proportion qui existe entre leurs Efforts et leurs Satisfactions, proportion que modifie avantageusement la participation progressive de l’utilité gratuite à l’œuvre de la production. Elle ne peut donc pas exclure cet élément de l’idée de la Richesse. À ses yeux la Richesse effective ce n’est pas la somme des valeurs, mais la somme des utilités gratuites ou onéreuses attachées à ces valeurs. Au point de vue de la satisfaction, c’est-à-dire de la réalité, nous sommes riches autant de la valeur anéantie par le progrès que de celle qui lui survit encore.

Dans les transactions ordinaires de la vie, on ne tient plus compte de l’utilité à mesure qu’elle devient gratuite par l’abaissement de la valeur. Pourquoi ? parce que ce qui est gratuit est commun, et ce qui est commun n’altère en rien la part proportionnelle de chacun à la richesse effective. On n’échange pas ce qui est commun ; et comme, dans la pra-