Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je dois prémunir le lecteur contre une objection spécieuse. Si la mission du capital, dira-t-il, est de faire exécuter par la nature ce qui s’exécutait par le travail humain, quelque bien qu’il confère à l’humanité, il doit nuire à la classe ouvrière, spécialement à celle qui vit de salaire ; car tout ce qui met des bras en disponibilité active la concurrence qu’ils se font entre eux, et c’est sans doute là la secrète raison de l’opposition que les prolétaires font aux capitalistes. — Si l’objection était fondée, il y aurait en effet un ton discordant dans l’harmonie sociale.

L’illusion consiste en ce qu’on perd de vue ceci : Le Capital, à mesure que son action s’étend, ne met en disponibilité une certaine quantité d’efforts humains qu’en mettant aussi en disponibilité une quantité de rémunération correspondante, de telle sorte que ces deux éléments se retrouvant, se satisfont l’un par l’autre. Le travail n’est pas frappé d’inertie ; remplacé dans une œuvre spéciale par l’énergie gratuite, il se prend à d’autres obstacles dans l’œuvre générale du progrès, avec d’autant plus d’infaillibilité que sa récompense est déjà toute préparée au sein de la communauté.

Et en effet, reprenant l’exemple ci-dessus, il est aisé de voir que le prix des bas (comme celui des livres, des transports et de toutes choses) ne baisse, sous l’action du capital, qu’en laissant entre les mains de l’acheteur une partie du prix ancien. C’est même là un pléonasme presque puéril ; l’ouvrier, qui paye 2 francs ce qu’il aurait payé 6 francs autrefois, a donc 4 francs en disponibilité. Or c’est justement dans cette proportion que le travail humain a été remplacé par des forces naturelles. Ces forces sont donc une pure et simple conquête, qui n’altère en rien le rapport du travail à la rémunération disponible. Que le lecteur veuille bien se rappeler que la réponse à cette objection avait été d’avance préparée (page 68 et suiv.), lorsque, observant l’homme dans l’isolement, ou bien réduit encore à la primitive loi