Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/31

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justice. Je n’ai pas le droit de forcer qui que ce soit à être religieux, charitable, instruit, laborieux ; mais j’ai le droit de le forcer à être juste ; c’est le cas de légitime défense.

Or il ne peut exister, dans la collection des individus, aucun droit qui ne préexiste dans les individus eux-mêmes. Si donc l’emploi de la force individuelle n’est justifié que par la légitime défense, il suffit de reconnaître que l’action gouvernementale se manifeste toujours par la Force pour en conclure qu’elle est essentiellement bornée à faire régner l’ordre, la sécurité, la justice.

Toute action gouvernementale en dehors de cette limite est une usurpation de la conscience, de l’intelligence, du travail, en un mot de la Liberté humaine.

Cela posé, nous devons nous appliquer sans relâche et sans pitié à dégager des empiétements du pouvoir le domaine entier de l’activité privée ; c’est à cette condition seulement que nous aurons conquis la liberté ou le libre jeu des lois harmoniques, que Dieu a préparées pour le développement et le progrès de l’humanité.

Le Pouvoir sera-t-il pour cela affaibli ? Perdra-t-il de sa stabilité parce qu’il aura perdu de son étendue ? Aura-t-il moins d’autorité, parce qu’il aura moins d’attributions ? S’attirera-t-il moins de respect, parce qu’il s’attirera moins de plaintes ? Sera-t-il davantage le jouet des factions, quand on aura diminué ces budgets énormes et cette influence si convoitée, qui sont l’appât des factions ? Courra-t-il plus de dangers, quand il aura moins de responsabilité ?

Il me semble évident, au contraire, que renfermer la force publique dans sa mission unique, mais essentielle, incontestée, bienfaisante, désirée, acceptée de tous, c’est