Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/394

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ce qui était particulier. Elle agit exactement sur le principe des assurances. Un fléau ravage-t-il les terres des agriculteurs, ce sont les mangeurs de pain qui en souffrent. Un impôt injuste atteint-il la vigne en France, il se traduit en cherté de vin pour tous les buveurs de la terre : ainsi les biens et les maux qui ont quelque permanence ne font que glisser sur les individualités, les classes, les peuples ; leur destinée providentielle est d’aller, à la longue, affecter l’humanité tout entière, et élever ou abaisser le niveau de sa condition. Dès lors, envier à quelque peuple que ce soit la fertilité de son sol, ou la beauté de ses ports et de ses fleuves, ou la chaleur de son soleil, c’est méconnaître des biens auxquels nous sommes appelés à participer ; c’est dédaigner l’abondance qui nous est offerte ; c’est regretter la fatigue qui nous est épargnée. Dès lors, les jalousies nationales ne sont pas seulement des sentiments pervers, ce sont encore des sentiments absurdes. Nuire à autrui, c’est se nuire à soi-même ; semer des obstacles dans la voie des autres, tarifs, coalitions ou guerres, c’est embarrasser sa propre voie. Dès lors, les passions mauvaises ont leur châtiment comme les sentiments généreux ont leur récompense. L’inévitable sanction d’une exacte justice distributive parle à l’intérêt, éclaire l’opinion, proclame et doit faire prévaloir enfin, parmi les hommes, cette maxime d’éternelle vérité : L’utile, c’est un des aspects du juste ; la liberté, c’est la plus belle des harmonies sociales ; l’équité, c’est la meilleure politique.

Le christianisme a introduit dans le monde le grand principe de la fraternité humaine. Il s’adresse au cœur, au sentiment, aux nobles instincts. L’économie politique vient faire accepter le même principe à la froide raison, et, montrant l’enchaînement des effets aux causes, réconcilier, dans un consolant accord, les calculs de l’intérêt le plus vigilant avec les inspirations de la morale la plus sublime.