Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce que le métayage n’est pas une sorte d’association informe, si l’on veut, du capital et du travail ? Est-ce que nous n’avons pas vu, dans ces derniers temps, se produire les compagnies par actions, qui donnent au plus petit capital le pouvoir de prendre part aux plus grandes entreprises ? Est-ce qu’il n’y a pas à la surface du pays quelques fabriques où l’on essaye d’associer tous les co-travailleurs aux résultats ? Est-ce que l’économie politique condamne ces essais et les efforts que font les hommes pour tirer un meilleur parti de leurs forces ? Est-ce qu’elle a affirmé quelque part que l’humanité a dit son dernier mot ? C’est tout le contraire, et je crois qu’il n’est aucune science qui démontre plus clairement que la société est dans l’enfance.

Mais, quelques espérances que l’on conçoive pour l’avenir, quelques idées que l’on se fasse des formes que l’humanité pourra trouver pour le perfectionnement de ses relations et la diffusion du bien-être, des connaissances et de la moralité, il faut pourtant bien reconnaître que la société est une organisation qui a pour élément un agent intelligent, moral, doué de libre arbitre et perfectible. Si vous en ôtez la liberté, ce n’est plus qu’un triste et grossier mécanisme.

La liberté ! il semble qu’on n’en veuille pas de nos jours. Sur cette terre de France, empire privilégié de la mode, il semble que la liberté ne soit plus de mise. Et moi, je dis : Quiconque repousse la liberté n’a pas foi dans l’humanité. On prétend avoir fait récemment cette désolante découverte que la liberté conduit fatalement au monopole[1]. Non, cet enchaînement monstrueux, cet accouplement contre nature n’existe pas ; il est le fruit imaginaire d’une erreur qui se dis-

  1. « Il est avéré que notre régime de libre concurrence, réclamé par une Économie politique ignorante, et décrété pour abolir les monopoles, n’aboutit qu’à l’organisation générale des grands monopoles en toutes branches. » (Principes du socialisme, par M. Considérant, page 15.)