Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/580

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autre chose qui serait l’intérêt. Donc, si les intérêts sont concordants, il suffit qu’ils soient compris pour que le bien et l’harmonie se réalisent, puisque les hommes s’y abandonnent naturellement. C’est ce que nous soutenons, et c’est pourquoi nous disons : Éclairez et laissez faire. — Si les intérêts sont discordants par nature, alors vous avez raison ; il n’y a d’autre moyen de produire l’harmonie que de violenter, froisser et contrarier tous les intérêts. Bizarre harmonie néanmoins que celle qui ne peut résulter que d’une action extérieure et despotique contraire aux intérêts de tous ! Car vous comprenez bien que les hommes ne se laisseront pas froisser docilement ; et, pour qu’ils se plient à vos inventions, il faut que vous commenciez par être plus forts qu’eux tous ensemble, — ou bien il faut que vous parveniez à les tromper sur leurs véritables intérêts. En effet, dans l’hypothèse où les intérêts sont naturellement discordants, ce qu’il y aurait de plus heureux c’est que les hommes se trompassent tous à cet égard.

La force et l’imposture, voilà donc vos seules ressources. Je vous défie d’en trouver d’autres, à moins de convenir que les intérêts sont concordants ; et, si vous en convenez, vous êtes avec nous, et comme nous vous devez dire : Laissez agir les lois providentielles.

Or vous ne le voulez pas. — Il faut bien le répéter : Votre point de départ est que les intérêts sont antagoniques ; c’est pourquoi vous ne voulez pas les laisser s’entendre et s’arranger entre eux ; c’est pourquoi vous ne voulez pas la liberté ; c’est pourquoi vous voulez l’arbitraire. — Vous êtes conséquents.

Mais prenez garde. La lutte ne va pas s’établir seulement entre vous et l’humanité. Celle-là vous l’acceptez, puisque votre but est justement de froisser les intérêts. Elle va s’établir aussi au milieu de vous, entre vous, inventeurs, entrepreneurs de sociétés ; car vous êtes mille, et vous serez bientôt dix mille, tous avec des vues différentes. — Que