Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/587

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cheurs, fabricants, agriculteurs, etc., que pour cela. De même, le fonctionnaire, le soldat, le magistrat n’entrent dans ces carrières qu’autant qu’elles leur assurent la satisfaction de leurs besoins. Il ne faut pas en vouloir à l’homme du dévouement et de l’abnégation, s’il invoque lui aussi le proverbe : le prêtre vit de l’autel, — car, avant d’appartenir au sacerdoce, il appartient à l’humanité. Et si, en ce moment, il se fait un livre contre la vulgarité de cet aperçu, ou plutôt de la condition humaine, ce livre en se vendant plaidera contre sa propre thèse.

Ce n’est pas, à Dieu ne plaise, que je nie les existences d’abnégation. Mais on conviendra qu’elles sont exceptionnelles ; ce qui justement constitue leur mérite et détermine notre admiration. Que si l’on considère l’humanité dans son ensemble, à moins d’avoir fait un pacte avec le démon du sentimentalisme, il faut bien convenir que les efforts désintéressés ne peuvent nullement se comparer, quant au nombre, à ceux qui sont déterminés par les dures nécessités de notre nature. Et c’est parce que ces efforts qui constituent l’ensemble de nos travaux, occupent une si grande place dans la vie de chacun de nous, qu’ils ne peuvent manquer d’exercer une grande influence sur les manifestations de notre existence nationale.

M. Saint-Marc Girardin dit quelque part qu’il a appris à reconnaître l’insignifiance relative des formes politiques, comparativement à ces grandes lois générales qu’imposent aux peuples leurs besoins et leurs travaux. « Voulez-vous savoir ce qu’est un peuple ? dit-il, ne demandez pas comment il se gouverne, mais ce qu’il fait. »

Cette vue générale est juste. L’auteur ne manque pas de la fausser bientôt en la convertissant en système. L’importance des formes politiques a été exagérée ; que fait-il ? Il la réduit à rien, il la nie ou ne la reconnaît que pour en rire. Les formes politiques, dit-il, ne nous intéressent qu’un