Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/613

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actes et les habitudes produisant des conséquences bonnes ou mauvaises — ou l’humanité. Voilà le travail, la sueur, les épines, les tribulations et la mort — ou l’humanité.

L’humanité, dis-je : car choisir, se tromper, souffrir, se rectifier, en un mot tous les éléments qui composent l’idée de responsabilité, sont tellement inhérents à notre nature sensible, intelligente et libre, ils sont tellement cette nature même, que je défie l’imagination la plus féconde de concevoir pour l’homme un autre mode d’existence.

Que l’homme ait vécu dans un Éden, in paradiso voluptatis, ignorant le bien et le mal, scientiam boni et mali, nous pouvons bien le croire, mais nous ne pouvons le comprendre, tant notre nature a été profondément transformée.

Il nous est impossible de séparer l’idée de vie de celle de sensibilité, celle de sensibilité de celle de plaisir et douleur, celle de plaisir et de douleur de celle de peine et récompense, celle d’intelligence de celle de liberté et choix, et toutes ces idées de celle de Responsabilité ; car c’est l’ensemble de toutes ces idées qui nous donne celle d’Être, de telle sorte que lorsque nous pensons à Dieu, la raison nous disant qu’il ne peut souffrir, elle reste confondue, tant l’être et la sensibilité sont pour nous inséparables.

Et c’est là sans doute ce qui fait de la Foi le complément nécessaire de nos destinées. Elle est le seul lien possible entre la créature et le Créateur, puisqu’il est et sera toujours pour la raison le Dieu incompréhensible, Deus absconditus.

Pour voir combien la responsabilité nous tient de près et nous serre de tous côtés, il suffit de donner son attention aux faits les plus simples.

Le feu nous brûle, le choc des corps nous brise ; si nous n’étions pas doués de sensibilité, ou si notre sensibilité n’était pas affectée péniblement par l’approche du feu et le rude contact des corps, nous serions exposés à la mort à chaque instant.