Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/619

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principe, la sanction religieuse vient confirmer la sanction naturelle, ou si la sanction naturelle n’est rien devant la sanction religieuse, et doit lui céder le pas quand elles viennent à se contredire.

Or, si je ne me trompe, la tendance des ministres de la religion est de se préoccuper fort peu de la sanction naturelle. Ils ont pour cela une raison irréfutable : « Dieu a ordonné ceci, Dieu a défendu cela. » Il n’y a plus à raisonner, car Dieu est infaillible et tout-puissant. L’acte ordonné amenât-il la destruction du monde, il faut marcher en aveugles, absolument comme vous feriez si Dieu vous parlait directement à vous-même et vous montrait le ciel et l’enfer.

Il peut arriver, même dans la vraie religion, que des actes innocents soient défendus sous l’autorité de Dieu. Par exemple, prélever un intérêt a été déclaré un péché. Si l’humanité s’était conformée à cette prohibition, il y a longtemps qu’elle aurait disparu du globe. Car, sans l’intérêt, il n’y a pas de capital possible ; sans le capital, il n’y a pas de concours du travail antérieur avec le travail actuel ; sans ce concours, il n’y a pas de société ; et sans société, il n’y a pas d’homme.

D’un autre côté, en examinant de près l’intérêt, on reste convaincu que non-seulement il est utile dans ses effets généraux, mais encore qu’il n’a rien de contraire à la charité ni à la vérité, — pas plus que les appointements d’un ministre du culte, et certainement moins que certaines parties du casuel.

Aussi toute la puissance de l’Église n’a pu suspendre une minute, à cet égard, la nature des choses. C’est tout au plus si elle est parvenue à faire déguiser, dans un nombre de cas infiniment petit, une des formes et la moins usuelle de l’intérêt.

De même pour les prescriptions. — Quand l’Évangile nous