Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/632

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tails et dans l’ensemble, dans les faits particuliers et dans les faits généraux, qu’il faut, pour le méconnaître, tout l’aveuglement de l’esprit de secte ou toute l’ardeur d’une lutte acharnée.

La première règle de toute justice humaine est de concentrer le châtiment d’un acte sur son auteur, en vertu de ce principe : Les fautes sont personnelles. Mais cette loi sacrée des individus n’est ni la loi de Dieu, ni même la loi de la société.

Pourquoi cet homme est-il riche ? parce que son père fut actif, probe, laborieux, économe. Le père a pratiqué les vertus, le fils a recueilli les récompenses.

Pourquoi cet autre est-il toujours souffrant, malade, faible, craintif et malheureux ? parce que son père, doué d’une puissante constitution, en a abusé dans les débauches et les excès. Au coupable les conséquences agréables de la faute, à l’innocent les conséquences funestes.

Il n’y a pas un homme sur la terre dont la condition n’ait été déterminée par des milliards de faits auxquels ses déterminations sont étrangères ; ce dont je me plains aujourd’hui a peut-être pour cause un caprice de mon bisaïeul, etc.


La solidarité se manifeste sur une plus grande échelle encore et à des distances plus inexplicables, quand on considère les rapports des divers peuples, ou des diverses générations d’un même peuple.

N’est-il pas étrange que le dix-huitième siècle ait été si occupé des travaux intellectuels ou matériels dont nous jouissons aujourd’hui ? N’est-il pas merveilleux que nous-mêmes nous nous mettions à la gêne pour couvrir le pays de chemins de fer, sur lesquels aucun de nous ne voyagera peut-être ? Qui peut méconnaître la profonde influence de nos anciennes révolutions sur ce qui se passe aujourd’hui ?