en jouissons sans y penser. Nous voyons, nous entendons, sans songer au mécanisme ingénieux de l’oreille et de l’œil ; les rayons du soleil, les gouttes de rosée ou de pluie nous prodiguent leurs effets utiles ou leurs douces sensations, sans éveiller notre surprise et notre reconnaissance. Cela tient uniquement à l’action continue sur nous de ces admirables phénomènes. Car qu’une cause finale, comparativement insignifiante, vienne à nous être révélée, que le botaniste nous enseigne pourquoi cette plante affecte telle forme, pourquoi cette autre revêt telle couleur, aussitôt nous sentons dans notre cœur l’enchantement ineffable que ne manquent jamais d’y faire pénétrer les preuves nouvelles de la puissance de Dieu, de sa bonté et de sa sagesse.
La région des intentions finales est donc, pour l’imagination de l’homme, comme une atmosphère imprégnée d’idées religieuses.
Mais, après avoir aperçu ou entrevu cet aspect du phénomène, il nous reste à l’étudier sous l’autre rapport, c’est-à-dire à rechercher sa cause efficiente.
Chose étrange ! il nous arrive quelquefois, après avoir pris pleine connaissance de cette cause, de trouver qu’elle entraîne si nécessairement l’effet que nous avions d’abord admiré, que nous refusons de lui reconnaître plus longtemps le caractère d’une cause finale ; et nous disons : J’étais bien naïf de croire que Dieu avait pourvu à tel arrangement dans tel dessein ; je vois maintenant que la cause que j’ai découverte étant donnée (et elle est inévitable), cet arrangement devait s’ensuivre de toute nécessité, abstraction faite d’une prétendue intention providentielle.
C’est ainsi que la science incomplète, avec son scalpel et ses analyses, vient parfois détruire dans nos âmes le sentiment religieux qu’y avait fait naître le simple spectacle de la nature.