Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/91

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si la rivière est poissonneuse, ou dans les hypothèses contraires ?

Pour l’éclairage, le travail humain a certainement moins à faire là où la nuit est courte que là où il a plu au soleil qu’elle fût longue.

Je n’oserais pas poser ceci comme une règle absolue, mais il me semble qu’à mesure qu’on s’élève dans l’échelle des besoins, la coopération de la nature s’amoindrit et laisse plus de place à nos facultés. Le peintre, le statuaire, l’écrivain même sont réduits à s’aider de matériaux et d’instruments que la nature seule fournit ; mais il faut avouer qu’ils puisent dans leur propre génie ce qui fait le charme, le mérite, l’utilité et la valeur de leurs œuvres. Apprendre est un besoin que satisfait presque exclusivement l’exercice bien dirigé de nos facultés intellectuelles. Cependant, ne pourrait-on pas dire qu’ici encore la nature nous aide en nous offrant, à des degrés divers, des objets d’observation et de comparaison ? À travail égal, la botanique, la géologie, l’histoire naturelle peuvent-elles faire partout des progrès égaux ?

Il serait superflu de citer d’autres exemples. Nous pouvons déjà constater que la Nature nous donne des moyens de satisfaction à des degrés plus ou moins avancés d’utilité (ce mot est pris dans le sens étymologique, propriété de servir). Dans beaucoup de cas, dans presque tous les cas, il reste quelque chose à faire au travail pour rendre cette utilité complète ; et l’on comprend que cette action du travail est susceptible de plus ou moins, dans chaque circonstance donnée, selon que la nature a elle-même plus ou moins avancé l’opération.

On peut donc poser ces deux formules :

L’utilité est communiquée, quelquefois par la nature seule, quelquefois par le travail seul, presque toujours par la coopération de la Nature et du Travail.