Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/320

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tu pouvais à ton tour prendre ce même flambeau, des mains de tes devanciers, et en projeter la lumière dans quelques recoins obscurs des sciences sociales, et dans ceux surtout que de folles doctrines ont récemment plongé dans l’obscurité.

Au lieu de cela, te voilà tout occupé d’éclaircir un seul des problèmes économiques que Smith et Say ont déjà démontré cent fois mieux que tu ne pourras le faire. Te voilà analysant, définissant, calculant, distinguant. Te voilà, le scalpel à la main, cherchant ce qu’il y a au juste au fond de ces mots prix, valeur, utilité, cherté, bon marché, importations, exportations.

Mais, enfin, si ce n’est pour toi, si tu ne crains pas de t’hébéter à l’œuvre, crois-tu avoir choisi, dans l’intérêt de la cause, le meilleur plan qu’il y ait à suivre ? Les peuples ne sont pas gouvernés par des X, mais par des instincts généreux, par des sentiments, par des sympathies. Il fallait leur présenter la chute successive de ces barrières qui parquent les hommes en communes ennemies, en provinces jalouses, en nations guerroyantes. Il fallait leur montrer la fusion des races, des intérêts, des langues, des idées, la vérité triomphant de l’erreur dans le choc des intelligences, les institutions progressives remplaçant le régime du despotisme absolu et des castes héréditaires, les guerres extirpées, les armées dissoutes, la puissance morale remplaçant la force physique, et le genre humain se préparant par l’unité aux destinées qui lui sont réservées. Voilà ce qui eût passionné les masses, et non point tes sèches démonstrations.

Et puis, pourquoi te limiter ? pourquoi emprisonner ta pensée ? Il me semble que tu l’as mise au régime cellulaire avec l’uniforme croûte de pain sec pour tout aliment, car te voilà rongeant soir et matin une question d’argent. J’aime autant que toi la liberté commerciale. Mais tous les progrès