Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/332

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eux, est chez eux. Pour nous, il est dans le monde entier. Rien, certes, ne nous empêcherait de prendre les principes à une hauteur que l’Angleterre ne peut encore atteindre. Nous ne le faisons pas, et cela dépend uniquement du degré insuffisant de respect, de dévouement pour les principes, auquel nous sommes parvenus.

Si l’anglophobie n’était chez nous qu’une naturelle réaction contre l’oligarchie anglaise, dont la politique est si dangereuse pour les nations et en particulier pour la France, ce ne serait plus de l’anglophobie, mais, qu’on me pardonne ce mot barbare (et qui n’en est que plus juste, puisqu’il réunit deux idées barbares), de l’oligarcophobie.

Malheureusement il n’en est pas ainsi ; et l’occupation la plus constante de nos grands journaux est d’irriter le sentiment national contre la démocratie britannique, contre ces classes laborieuses qui demandent au travail, à l’industrie, à la richesse, au développement de leurs facultés, les forces qui doivent les affranchir. C’est précisément l’accroissement de ces forces démocratiques, la perfection du travail, la supériorité industrielle, l’extension des machines, l’aptitude commerciale, l’accumulation des capitaux, c’est précisément, dis-je, l’accroissement de ces forces qu’on nous représente comme dangereux, comme opposé à nos propres progrès, comme impliquant de toute nécessité un décroissement proportionnel dans les forces analogues de notre pays.

C’est là le sophisme économique que j’ai à combattre, c’est par là que se rattache à l’esprit de ce livre le sujet que je viens de traiter, et qui a pu paraître jusqu’ici une oiseuse digression.

D’abord, si ce que j’appelle ici un sophisme était une vérité, combien elle serait triste et décourageante ! Si le mouvement progressif, qui se manifeste sur un point du globe, occasionnait un mouvement rétrograde sur un autre point, si l’accroissement des richesses d’un pays ne se faisait qu’au