Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/347

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dérer la personnalité et la fraternité au point de vue de l’économie politique.

Je commencerai par le déclarer très franchement : le sentiment de la personnalité, l’amour du moi, l’instinct de la conservation, le désir indestructible que l’homme porte en lui-même de se développer, d’accroître la sphère de son action, d’augmenter son influence, l’aspiration vers le bonheur, en un mot, l’individualité me semble être le point de départ, le mobile, le ressort universel auquel la Providence a confié le progrès de l’humanité. C’est bien vainement que ce principe soulèverait l’animadversion des socialistes modernes. Hélas ! qu’ils rentrent en eux-mêmes, qu’ils descendent au fond de leur conscience, et ils y retrouveront ce principe, comme on trouve la gravitation dans toutes les molécules de la matière. Ils peuvent reprocher à la Providence d’avoir fait l’homme tel qu’il est ; rechercher, par passe-temps, ce qu’il adviendrait de la société, si la Divinité, les admettant dans son conseil, modifiait sa créature sur un autre plan. Ce sont des rêveries qui peuvent amuser l’imagination ; mais ce n’est pas sur elles qu’on fondera les sciences sociales.

Il n’est aucun sentiment qui exerce dans l’homme une action aussi constante, aussi énergique que le sentiment de la personnalité.

Nous pouvons différer sur la manière de comprendre le bonheur, le chercher dans la richesse, dans la puissance, dans la gloire, dans la terreur que nous inspirons, dans la sympathie de nos semblables, dans les satisfactions de la vanité, dans la couronne des élus ; mais nous le cherchons toujours et nous ne pouvons pas ne pas le chercher.

De là il faut conclure que l’individualisme, qui est le sentiment de la personnalité pris dans un mauvais sens, est aussi ancien que ce sentiment lui-même, car il n’est pas une de ses qualités, surtout la plus inhérente à sa nature, dont