Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

immédiate ou l’invasion étrangère, non par des sentiments pervers, mais par peur de pis. On maudit la République, les républicains et même les résignés ; on blesse les classes inférieures par un luxe d’épithètes outrageantes. Bref, il me semble qu’on oublie tout, même la prudence. Dieu veuille que ce paroxysme passe vite ! où nous mènerait-il ?…




À M. DOMENGER À MUGRON.


Paris, le 4 mars 1848.


Mon cher Domenger,

Vous avez bien raison de conserver votre calme. Outre que nous en aurons tous besoin, il faudrait que la tempête fût bien furieuse pour qu’elle se fît ressentir à Mugron. Jusqu’ici Paris jouit de la tranquillité la plus parfaite, et ce spectacle est, à mes yeux, bien autrement imposant que celui du courage dans la lutte. Nous venons d’assister à la cérémonie funèbre. Il me semble que tout l’univers était sur les boulevards. Je n’ai jamais vu tant de monde. Je dois dire que la population m’a paru sympathique mais froide. On ne peut lui arracher des cris d’enthousiasme. Cela vaut peut-être mieux, et semble prouver que le temps et l’expérience nous ont mûris. Les manifestations emportées ne sont-elles pas plutôt un obstacle à la bonne direction des affaires ?

Le côté politique de l’avenir occupe peu les esprits. Il semble que le suffrage universel et les autres droits populaires sont tellement dans le consentement unanime qu’on n’y pense pas. Mais ce qui assombrit notre perspective, ce sont les questions économiques. À cet égard l’ignorance est si profonde et si générale que l’on a à redouter de rudes expé-