Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La somme des satisfactions[1] restant la même, tout travail rendu superflu par l’invention ou par l’échange est une conquête pour le genre humain, un moyen d’étendre le cercle de ses jouissances.

Vous ne sauriez croire, Monsieur, combien je suis douloureusement affecté quand je viens à songer qu’une nuance presque imperceptible sépare, au moins en doctrine, les amis de la liberté de ceux de la protection. Il suffirait, pour que nous nous accordions, que ces derniers, par une petite évolution, après avoir vu, comme aux Gobelins, le revers de la tapisserie, consentissent à aller contempler sur l’autre face l’effet définitif. — Essayez : placez-vous un moment au point de vue, non du producteur, mais du consommateur ; non du vendeur, que toute concurrence importune, mais de l’acheteur, à qui elle profite. Demandez-vous si les besoins des uns sont faits pour être exploités par les autres ; si les estomacs ont été créés et mis au monde pour l’avantage des propriétaires fonciers ; si nos membres nous ont été donnés pour que monsieur tel ou tel ait le privilége de les vêtir. Mettez-vous du côté de ceux qui ont faim et froid, qui sont dénués et ignorants, et vous serez bientôt rangé sous la bannière de l’abondance, d’où qu’elle vienne.

« Quelle que soit la magie du mot liberté, dites-vous, il y a une autre idée qui exerce plus d’empire sur les populations, c’est celle des droits du travail. »

Les droits du travail ! Vous voulez dire les droits des travailleurs ? Eh bien ! parmi ces droits, ainsi que l’a dit le digne président de l’Association bordelaise, en est-il un plus naturel, plus respectable, plus sacré, que celui de troquer ce que l’on a produit à la sueur de son front ? Voyez où vous

  1. Ici le mot satisfactions, préféré par l’auteur à consommations, montre que, longtemps avant d’écrire les Harmonies, il jugeait nécessaire d’introduire quelques modifications dans la langue de l’économie politique.(Note de l’éditeur)