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POÉSIES

Ou qu’en prison vive en famine,
Qui autruy blasme sans raison.

ENVOI.

Prince, soit mis en la gehaine
Dix fois le jour comme ung larron,
Ou qu’en prison vive en famine,
Qui autruy blasme sans raison.


XVIII. BALLADE.

J’ay ung arbre de la plante d’amours,
Enraciné en mon cueur proprement,
Qui ne porte fruits, sinon de dolours,
Fueilles d’ennuy et fleurs d’encombrement ;
Mais, puis qu’il fut planté premièrement,
Il est tant creu, de racine et de branche,
Que son umbre, qui me porte nuysance,
Fait au dessoubs toute joye seichier,
Et si ne puis, pour toute ma puissance,
Autre planter, ne celuy arrachier.

De si long-temps est arrosé de plours
Et de lermes tant douloureusement,
Et si n’en sont les fruits de rien meillours :
Ne je n’y truys guères d’amendement.
Je les recueill’ pourtant soigneusement.
C’est de mon cueur l’amère soustenance,
Qui trop mieux fust en friche ou en souffrance
Que porter fruits qui le dussent blecier ;
Mais pas ne veult amoureuse ordonnance,
Autre planter, ne celuy arrachier.