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XV
PRÉFACE

d’autres, et l’on ne sera point tenté de regretter, avec Clément Marot, qu’il n’ait pas été « nourry en la court des rois et princes, où les jugemens s’amendent et les langages se pollissent, » car il y eût certainement plus perdu que gagné.

M. A. de Montaiglon a parfaitement caractérisé le rôle de Villon dans la poésie française. Je ne puis mieux faire que de lui emprunter ces quelques lignes :

« … Au moment où parut Villon, la littérature française en était précisément à cette période de transformation ; de la poésie générale elle passait à la poésie personnelle ; ses contemporains, subissant à leur insu cette phase littéraire, s’essayaient à l’individualité avec plus d’effort que de bonheur ; Villon l’atteignit du premier coup. Sa force est là, et sa valeur s’augmente de l’intérêt que, sous ce rapport, offraient ses œuvres. Elle est tellement saisissante qu’elle a été reconnue de tous, et le succès qui l’accueillit ne s’arrêta pas. François Ier lui fit l’honneur de faire faire une édition de ses poésies par Clément Marot, qui le combla de ses louanges. Un peu plus tard, il est vrai, l’école de Ronsard protesta. Pasquier condamne Villon, et Du Verdier s’émerveille que Marot ait osé « louer un si goffe ouvrier et faire cas de ce qui ne vaut rien. » Cela marque moins un manque de goût que la force partiale du préjugé ; la Pléiade, qui est en réalité aussi aristocratique que savante, ne pouvait admirer Villon sans se condamner elle-même ; mais, ce moment passé, le charme recommence : Regnier est un disciple de Villon ; Patru le loue ; Boileau a senti quel était son rang ; La Fontaine l’admire ; Voltaire l’imite ; les érudits littéraires du XVIIe et du XVIIIe siècle, Colletet, le P. Du Cerceau, l’abbé Massieu, l’abbé Goujet, parlent de lui comme il convient, en même temps que Coustelier et Formey le réimpriment, que La Monnoye l’annote, et que