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AUX LECTEURS.

aages, et ce sans avoir touché à l’antiquité de son parler, à sa façon de rimer, à ses meslées et longues parenthèses, à la quantité de ses sillabes, ne à ses couppes, tant feminines que masculines ; esquelles choses il n’a suffisament observé les vrayes reigles de françoise poesie, et ne suys d’advis que en cela les jeunes Poetes l’ensuyvent, mais bien qu’ilz cueillent ses sentences commes belles fleurs, qu’ilz contemplent l’esprit qu’il avoit, que de luy apreignent à proprement descrire, et qu’ilz contrefacent sa veine, mesmement celle dont il use en ses Ballades, qui est vrayment belle et héroïque, et ne fay doubte qu’il n’eust emporté le chapeau de laurier devant tous les Poètes de son temps, s’il eust esté nourry en la Court des Roys et de Princes, là où les jugemens se amendent et les langaiges se pollissent. Quant à l’industrie des lays qu’il feit en ses Testamens, pour suffisament la congnoistre et entendre il fauldroit avoir esté de son temps à Paris, et avoir congneu les lieux, les choses, les hommes dont il parle : la mémoire desquelz tant plus se passera, tant moins se congnoistra icelle industrie de ses lays dictz. Pour ceste cause, qui vouldra faire une œuvre de longue durée ne preigne son soubject sur telles choses basses et particulières. Le reste des Œuvres de nostre Villon (hors cela) est de tel artifice, tant plain de bonne doctrine et tellement painct de mille belles couleurs, que le temps, qui tout efface, jusques icy ne l’a sceu effacer ; et moins encor l’effacera ores et d’icy en avant, que les bonnes escriptures françoises sont et seront mieulx congneues et recueillies que jamais.

Et pour ce (comme j’ay dit) que je n’ay touché à son antique façon de parler, je vous ay exposé sur la marge, avecques les annotations, ce qui m’a semblé le plus dur à entendre, laissant le reste à vos promptes intelligences, comme ly