Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/214

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"Je n'ai pas donné le sein depuis hier; me voilà étourdie comme si j'allais m'évanouir."

Il ne répondit pas, ne sachant que dire. Elle reprit : "Quand on a du lait comme moi, il faut donner le sein trois fois par jour, sans ça on se trouve gênée. C'est comme un poids que j'aurais sur le coeur; un poids qui m'empêche de respirer et qui me casse les membres. C'est malheureux d'avoir du lait tant que ça."

Il prononça : "Oui. C'est malheureux. Ça doit vous tracasser."

Elle semblait bien malade en effet, accablée et défaillante. Elle murmura : "Il suffit de presser dessus pour que le lait sorte comme d'une fontaine. C'est vraiment curieux à voir. On ne le croirait pas. A Casale, tous les voisins venaient me regarder."

Il dit : "Ah ! vraiment.

- Oui, vraiment. Je vous le montrerais bien, mais cela ne me servirait à rien. On n'en fait pas sortir assez de cette façon."

Et elle se tut.

Le convoi s'arrêtait à une halte. Debout, près d'une barrière, une femme tenait en ses bras un jeune enfant qui pleurait. Elle était maigre et déguenillée.

La nourrice la regardait. Elle dit d'un ton