Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/244

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traient pour mes parents une considération supérieure.

J’avais alors treize ans. J’étais gai, content de tout, comme on l’est à cet âge-là, tout plein du bonheur de vivre.

Or, vers la fin de septembre, quelques jours avant ma rentrée au collège, comme je jouais à faire le loup dans les massifs du parc, courant au milieu des branches et des feuilles, j’aperçus, en traversant une avenue, papa et maman qui se promenaient.

Je me rappelle cela comme d’hier. C’était par un jour de grand vent. Toute la ligne des arbres se courbait sous les rafales, gémissait, semblait pousser des cris, de ces cris sourds, profonds, que les forêts jettent dans les tempêtes.

Les feuilles arrachées, jaunes déjà, s’envolaient comme des oiseaux, tourbillonnaient, tombaient puis couraient tout le long de l’allée, ainsi que des bêtes rapides.

Le soir venait. Il faisait sombre dans les fourrés. Cette agitation du vent et des branches m’excitait, me faisait galoper comme un fou, et hurler pour imiter les loups.

Dès que j’eus aperçu mes parents, j’allai vers eux à pas furtifs, sous les branches, pour les surprendre, comme si j’eusse été un rôdeur véritable.