Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/48

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entassés l’attendaient. Puis on allait aux nouvelles dans les bureaux voisins. On s’informait d’abord si le chef était là, s’il avait l’air bien luné, si le courrier du jour était volumineux.

Le commis d’ordre du « matériel général », M. César Cachelin, un ancien sous-officier d’infanterie de marine, devenu commis principal par la force du temps, enregistrait sur un grand livre toutes les pièces que venait d’apporter l’huissier du cabinet. En face de lui l’expéditionnaire, le père Savon, un vieil abruti célèbre dans tout le ministère par ses malheurs conjugaux, transcrivait, d’une main lente, une dépêche du chef, et s’appliquait, le corps de côté, l’œil oblique, dans une posture roide de copiste méticuleux.

M. Cachelin, un gros homme dont les cheveux blancs et courts se dressaient en brosse sur le crâne, parlait tout en accomplissant sa besogne quotidienne : « Trente-deux dépêches de Toulon. Ce port-là nous en donne autant que les quatre autres réunis. » Puis il posa au père Savon la question qu’il lui adressait tous les matins : « Eh bien ! mon père Savon, comment va madame ? »

Le vieux, sans interrompre sa besogne, répondit : « Vous savez bien, monsieur Cachelin, que ce sujet m’est fort pénible. »