Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/58

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Tout d’un coup, il se dressa en se frottant les mains. Il avait trouvé.

Il connaissait bien le faible de chacun. On ne pouvait prendre Lesable que par la vanité, la vanité professionnelle. Il irait lui demander sa protection comme on va chez un sénateur ou chez un député, comme on va chez un haut personnage.

N’ayant point eu d’avancement depuis cinq ans, Cachelin se considérait comme bien certain d’en obtenir une cette année. Il ferait donc semblant de croire qu’il le devait à Lesable et l’inviterait à dîner comme remerciement.

Aussitôt son projet conçu, il en commença l’exécution. Il décrocha dans son armoire son veston de rue, ôta le vieux, et, prenant toutes les pièces enregistrées qui concernaient le service de son collègue, il se rendit au bureau que cet employé occupait tout seul, par faveur spéciale, en raison de son zèle et de l’importance de ses attributions.

Le jeune homme écrivait sur une grande table, au milieu de dossiers ouverts et de papiers épars, numérotés avec de l’encre rouge ou bleue.

Dès qu’il vit entrer le commis d’ordre, il demanda, d’un ton familier où perçait une considération : « Eh bien ! mon cher, m’apportez-vous beaucoup d’affaires ? »