Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/68

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La vieille fille salua poliment en déclarant : « Oh ! je sais que monsieur a beaucoup de capacités. »

La bonne entra, poussant la porte du genou et tenant en l’air, des deux mains, une grande soupière. Alors « le maître » cria : « Allons, à table ! Placez-vous là, monsieur Lesable, entre ma sœur et ma fille. Je pense que vous n’avez pas peur des dames. » Et le dîner commença.

Lesable faisait l’aimable, avec un petit air de suffisance, presque de condescendance, et il regardait de coin la jeune fille, s’étonnant de sa fraîcheur, de sa belle santé appétissante. Mlle Charlotte se mettait en frais, sachant les intentions de son frère, et elle soutenait la conversation banale accrochée à tous les lieux communs. Cachelin, radieux, parlait haut, plaisantait, versait le vin acheté une heure plus tôt chez le marchand du coin : « Un verre de ce petit bourgogne, monsieur Lesable. Je ne vous dis pas que ce soit un grand cru, mais il est bon, il a de la cave et il est naturel ; quant à ça, j’en réponds. Nous l’avons par des amis qui sont de là-bas. »

La jeune fille ne disait rien, un peu rouge, un peu timide, gênée par le voisinage de cet homme dont elle soupçonnait les pensées.

Quand le homard apparut, César déclara :