Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/146

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cruels drames des cœurs honnêtes, des cœurs droits, des cœurs sans reproches, dans un de ces cœurs inavoués, inexplorés, que personne n’a connu, pas même ceux qui en sont les muettes et résignées victimes.

Et, une curiosité hardie me poussant tout à coup, je prononçai :

— C’est vous qui auriez dû l’épouser, monsieur Chantal ?

Il tressaillit, me regarda, et dit :

— Moi ? épouser qui ?

Mlle  Perle.

— Pourquoi ça ?

— Parce que vous l’aimiez plus que votre cousine.

Il me regarda avec des yeux étranges, ronds, effarés, puis il balbutia :

— Je l’ai aimée… moi ?… comment ? qu’est-ce qui t’a dit ça ?…

— Parbleu, ça se voit… et c’est même à cause d’elle que vous avez tardé si longtemps à épouser votre cousine qui vous attendait depuis six ans.

Il lâcha la bille qu’il tenait de la main gauche, saisit à deux mains le linge à craie, et, s’en couvrant le visage, se mit à sangloter dedans. Il pleurait d’une façon désolante et