Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/149

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Elle avait dû être bien jolie en effet, avec ses yeux doux, si grands, si calmes, si larges qu’elle avait l’air de ne les jamais fermer, comme font les autres humains. Sa toilette était un peu ridicule, une vraie toilette de vieille fille, et la déparait sans la rendre gauche.

Il me semblait que je voyais en elle, comme j’avais vu tout à l’heure dans l’âme de M. Chantal, que j’apercevais, d’un bout à l’autre, cette vie humble, simple et dévouée ; mais un besoin me venait aux lèvres, un besoin harcelant de l’interroger, de savoir si, elle aussi, l’avait aimé, lui ; si elle avait souffert comme lui de cette longue souffrance secrète, aiguë, qu’on ne voit pas, qu’on ne sait pas, qu’on ne devine pas, mais qui s’échappe, la nuit, dans la solitude de la chambre noire. Je la regardais, je voyais battre son cœur sous son corsage à guimpe, et je me demandais si cette douce figure candide avait gémi chaque soir, dans l’épaisseur moite de l’oreiller, et sangloté, le corps secoué de sursauts, dans la fièvre du lit brûlant.

Et je lui dis tout bas, comme font les enfants qui cassent un bijou pour voir dedans :