encore dans les souvenirs comme on se noie dans une eau profonde.
De ma place, je voyais passer sur la route les voitures, brillantes et rapides, allant de Nice à Monaco. Et, dedans, des femmes jeunes, jolies, riches, heureuses ; des hommes souriants et satisfaits. Elle suivit mon regard, comprit ma pensée et murmura avec un sourire résigné :
— On ne peut pas être et avoir été.
Je lui dis :
— Comme la vie a dû être belle pour vous !
Elle poussa un grand soupir :
— Belle et douce. C’est pour cela que je la regrette si fort.
Je vis qu’elle était disposée à parler d’elle ; et doucement, avec des précautions délicates, comme lorsqu’on touche à des chairs douloureuses, je me mis à l’interroger.
Elle parla de ses succès, de ses enivrements, de ses amis, de toute son existence triomphante. Je lui demandai :
— Les plus vives joies, le vrai bonheur, est-ce au théâtre que vous les avez dus ?
Elle répondit vivement :
— Oh ! non.