Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/281

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peur que de ce qu’on ne comprend point. »

Il était assis, ou plutôt affaissé dans un grand fauteuil, les bras pendants, les jambes allongées et molles, la tête toute blanche, noyé dans ce grand flot de barbe et de cheveux d’argent qui lui donnait l’aspect d’un Père éternel ou d’un Fleuve d’Ovide.

Il parlait lentement, avec une certaine paresse qui donnait du charme aux phrases et une certaine hésitation de la langue un peu lourde qui soulignait la justesse colorée des mots. Son œil pâle, grand ouvert, reflétait, comme un œil d’enfant, toutes les émotions de sa pensée.

Il nous raconta ceci :

Il chassait, étant jeune homme, dans une forêt de Russie. Il avait marché tout le jour et il arriva, vers la fin de l’après-midi, sur le bord d’une calme rivière.

Elle coulait sous les arbres, dans les arbres, pleine d’herbes flottantes, profonde, froide et claire.

Un besoin impérieux saisit le chasseur de se jeter dans cette eau transparente. Il se dévêtit et s’élança dans le courant. C’était un