Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/283

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le bois, sans même penser à retrouver ses habits et son fusil.

L’être effroyable le suivit, courant aussi vite que lui et grognant toujours.

Le fuyard, à bout de forces et perclus par la terreur, allait tomber, quand un enfant qui gardait des chèvres accourut, armé d’un fouet ; il se mit à frapper l’affreuse bête humaine, qui se sauva en poussant des cris de douleur. Et Tourgueneff la vit disparaître dans le feuillage, pareille à une femelle de gorille.

C’était une folle, qui vivait depuis plus de trente ans dans ce bois, de la charité des bergers, et qui passait la moitié de ses jours à nager dans la rivière.

Le grand écrivain russe ajouta : « Je n’ai jamais eu si peur de ma vie, parce que je n’ai pas compris ce que pouvait être ce monstre. »

Mon compagnon, à qui j’avais dit cette aventure, reprit :

— Oui, on n’a peur que de ce qu’on ne comprend pas. On n’éprouve vraiment l’affreuse convulsion de l’âme, qui s’appelle l’épouvante, que lorsque se mêle à la peur