la futaie s’emplissait de monde ; une rumeur continue de voix montait sous le feuillage touffu des grands arbres.
Le maire, en manches de chemise, restait debout, sa canne à la main, dans une attitude de combat. Il semblait exaspéré par cette curiosité du peuple et répétait : « Si un de vous approche, je lui casse la tête comme à un chien. »
Les paysans avaient grand’peur de lui ; ils se tinrent au large. Le docteur Labarbe, qui fumait, s’assit à côté de la Roque, et il lui parla, cherchant à la distraire. La vieille femme aussitôt ôta ses mains de son visage et elle répondit avec un flux de mots larmoyants, vidant sa douleur dans l’abondance de sa parole. Elle raconta toute sa vie, son mariage, la mort de son homme, piqueur de bœufs, tué d’un coup de corne, l’enfance de sa fille, son existence misérable de veuve sans ressources avec la petite. Elle n’avait que ça, sa petite Louise ; et on l’avait tuée ; on l’avait tuée dans ce bois. Tout d’un coup, elle voulut la revoir, et, se traînant sur les genoux jusqu’au cadavre, elle souleva par un coin le vêtement qui le couvrait ; puis elle le laissa retomber et se remit à hurler. La foule se tai-