Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous n’avez pas trop eu le temps de l’examiner.

— Mais ce n’est pas la première fois que je le vois.

— Et ce n’est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua l’amiral en riant.

Émilie rougit, son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l’embarras ; puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Diantre ! ma petite-nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ? Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut ! Ils se moqueraient de nous dans la famille si nous nous embarquions sous un méchant pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets de l’amener au milieu du salon.

— Et quand, mon oncle ?

— Demain.

— Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ?

— À rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l’incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît. Ce ne sera pas le premier, n’est-ce pas ?

— Êtes-vous bon, mon oncle !

Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche et lut : MAXIMILIEN LONGUEVILLE, RUE DU SENTIER.

— Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Émilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à l’une de nos familles historiques ; et s’il n’est pas pair de France, il le sera infailliblement.

— D’où savez-vous tant de choses ?

— C’est mon secret.

— Vous connaissez donc son nom ?

Le comte inclina en silence sa tête grise qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid d’automne ; à ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l’art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même