Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/129

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parut fâchée d’avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara.

— Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j’ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j’avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, n’est-ce pas vouloir vous aimer ?

— Ma chère Clara, j’avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles.

— Oh ! rassurez-vous. Aujourd’hui, ces sortes de discussions sont sans objet. Quant à moi, elles ne m’atteignent pas : je suis en dehors de la question.

Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde ; car, semblable à tous les gens passionnés, elle s’expliqua comme s’expliquent les oracles, dans le sens qui s’accordait avec ses désirs, et revint à la danse plus joyeuse que jamais en regardant Longueville dont les formes, dont l’élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire. Elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu’il était noble, ses yeux noirs scintillèrent, elle dansa avec tout le plaisir qu’on y trouve en présence de celui qu’on aime. Jamais les deux amants ne s’entendirent mieux qu’en ce moment ; et plus d’une fois ils sentirent le bout de leurs doigts frémir et trembler lorsque les lois de la contredanse les mariaient.

Ce joli couple atteignit le commencement de l’automne au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer : les amours se ressemblent toujours en quelques points. L’un et l’autre, ils s’étudiaient, autant que l’on peut s’étudier quand on aime.

— Enfin, jamais amourette n’a si promptement tourné en mariage d’inclination, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil comme un naturaliste examine un insecte au microscope.

Ce mot effraya monsieur et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d’être aussi indifférent au mariage de sa fille qu’il avait naguère promis de l’être. Il alla chercher à Paris des renseignements et n’en trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l’enquête qu’il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L’observation