Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/135

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Il regarda dans le salon, mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle.

— Eh bien, mon oncle ! reprit monsieur de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Monsieur Longueville est-il de bonne famille ?

— Je ne le connais ni d’Ève ni d’Adam, s’écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Saint-Preux par un moyen à moi connu. Je sais que ce garçon tire le pistolet admirablement, chasse très-bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs et au trictrac ; il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barême, dessine, danse et chante bien. Eh ! diantre, qu’avez-vous donc, vous autres ? Si ce n’est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela, trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant des parvenus que vous appelez des directeurs-généraux ? Il marche droit. C’est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu’il m’a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge, pauvre innocent ! La jeunesse d’aujourd’hui n’est guère rusée. Tenez, voici.

— Rue du Sentier, n°5, dit monsieur de Fontaine en cherchant à se rappeler parmi tous les renseignements qu’il avait obtenus celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? Messieurs Palma, Werbrust et compagnie, dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots et toiles peintes en gros, demeurent là. Bon, j’y suis ! Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui ; mais je ne connais à Longueville qu’un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage afin de lui faire épouser la fille d’un ministre ; il a envie d’être fait pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu’est-ce que cette Clara ? Au surplus, permis à plus d’un intrigant de s’appeler Longueville. Mais la maison Palma, Werbrust et compagnie n’est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes ? J’éclaircirai tout cela.