Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/223

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d’elle. Luigi avait profité du moment où elle s’habillait pour aller chercher les témoins nécessaires à la signature de leur acte de mariage. Ces témoins étaient de braves gens. L’un, ancien maréchal-des-logis de hussards, avait contracté, à l’armée, envers Luigi, de ces obligations qui ne s’effacent jamais du cœur d’un honnête homme ; il s’était mis loueur de voitures et possédait quelques fiacres. L’autre, entrepreneur de maçonnerie, était le propriétaire de la maison où les nouveaux époux devaient demeurer. Chacun d’eux se fit accompagner par un ami, puis tous quatre vinrent avec Luigi prendre la mariée. Peu accoutumés aux grimaces sociales, et ne voyant rien que de très-simple dans le service qu’ils rendaient à Luigi, ces gens s’étaient habillés proprement, mais sans luxe, et rien n’annonçait le joyeux cortége d’une noce. Ginevra, elle-même, se mit très-simplement afin de se conformer à sa fortune ; néanmoins sa beauté avait quelque chose de si noble et de si imposant, qu’à son aspect la parole expira sur les lèvres des témoins qui se crurent obligés de lui adresser un compliment ; ils la saluèrent avec respect, elle s’inclina ; ils la regardèrent en silence et ne surent plus que l’admirer. Cette réserve jeta du froid entre eux. La joie ne peut éclater que parmi des gens qui se sentent égaux. Le hasard voulut donc que tout fût sombre et grave autour des deux fiancés, rien ne refléta leur félicité. L’église et la mairie n’étaient pas très-éloignées de l’hôtel. Les deux Corses, suivis des quatre témoins que leur imposait la loi, voulurent y aller à pied, dans une simplicité qui dépouilla de tout appareil cette grande scène de la vie sociale. Ils trouvèrent dans la cour de la mairie une foule d’équipages qui annonçaient nombreuse compagnie, ils montèrent et arrivèrent à une grande salle où les mariés, dont le bonheur était indiqué pour ce jour-là, attendaient assez impatiemment le maire du quartier. Ginevra s’assit près de Luigi au bout d’un grand banc et leurs témoins restèrent debout, faute de siéges. Deux mariées pompeusement habillées de blanc, chargées de rubans, de dentelles, de perles, et couronnées de bouquets de fleurs d’oranger dont les boutons satinés tremblaient sous leur voile, étaient entourées de leurs familles joyeuses, et accompagnées de leurs mères, qu’elles regardaient d’un air à la fois satisfait et craintif ; tous les yeux réfléchissaient leur bonheur, et chaque figure semblait leur prodiguer des bénédictions. Les pères, les témoins, les frères, les sœurs allaient et venaient, comme un essaim se jouant dans un rayon