Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/488

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— Que puis-je pour vous, monsieur le vicaire-général ? dit Savarus.

L’abbé, qui dégoisa l’affaire avec une admirable bonhomie, fut écouté froidement par Albert.

— Monsieur l’abbé, répondit-il, il m’est impossible de me charger des intérêts de la maison Watteville, et vous allez comprendre pourquoi. Mon rôle ici consiste à garder la plus exacte neutralité. Je ne veux pas prendre couleur, et dois rester une énigme jusqu’à la veille de mon élection. Or, plaider pour les Watteville, ce ne serait rien à Paris ; mais ici !… Ici où tout se commente, je serais pour tout le monde l’homme de votre faubourg Saint-Germain.

— Eh ! croyez-vous, dit l’abbé, que vous pourrez être inconnu, quand, au jour des élections, les candidats s’attaqueront ? Mais alors on saura que vous vous nommez Savaron de Savarus, que vous avez été maître des requêtes, que vous êtes un homme de la Restauration !

— Au jour des élections, dit Savarus, je serai tout ce qu’il faudra que je sois. Je compte parler dans les réunions préparatoires…

— Si monsieur de Watteville et son parti vous appuyait, vous auriez cent voix compactes et un peu plus sûres que celles sur lesquelles vous comptez. On peut toujours semer la division entre les intérêts, on ne sépare point les Convictions.

— Eh ! diable, reprit Savarus, je vous aime et puis faire beaucoup pour vous, mon père ! Peut-être y a-t-il des accommodements avec le diable. Quel que soit le procès de monsieur de Watteville, on peut, en prenant Girardet et le guidant, traîner la procédure jusqu’après les élections. Je ne me chargerai de plaider que le lendemain de mon élection.

— Faites une chose, dit l’abbé, venez à l’hôtel de Rupt ; il s’y trouve une petite personne de dix-huit ans qui doit avoir un jour cent mille livres de rentes, et vous paraîtrez lui faire la cour…

— Ah ! cette jeune fille que je vois souvent sur ce kiosque…

— Oui, mademoiselle Philomène, reprit l’abbé de Grancey. Vous êtes ambitieux. Si vous lui plaisiez, vous seriez tout ce qu’un ambitieux veut être : ministre. On est toujours ministre, quand à une fortune de cent mille livres de rentes on joint vos étonnantes capacités.

— Monsieur l’abbé, dit vivement Albert, mademoiselle de Wat-