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Je t’ai quittée en entendant crier monsieur ton filleul, et ce cri je l’entends du fond du jardin. Je ne veux pas laisser partir cette lettre sans te dire un mot d’adieu ; je viens de la relire, et suis effrayée des vulgarités de sentiment qu’elle contient. Ce que je sens, hélas ! il me semble que toutes les mères l’ont éprouvé comme moi, doivent l’exprimer de la même manière, et que tu te moqueras de moi, comme on se moque de la naïveté de tous les pères qui vous parlent de l’esprit et de la beauté de leurs enfants, en leur trouvant toujours quelque chose de particulier. Enfin, chère mignonne, le grand mot de cette lettre le voici, je te le répète : je suis aussi heureuse maintenant que j’étais malheureuse auparavant. Cette bastide, qui d’ailleurs va devenir une terre, un majorat, est pour moi la terre promise. J’ai fini par traverser mon désert. Mille tendresses, chère mignonne. Écris-moi, je puis aujourd’hui lire sans pleurer la peinture de ton bonheur et celle de ton amour. Adieu.




XXXII

MADAME DE MACUMER À MADAME DE L’ESTORADE.


Mars 1826

Comment, ma chérie, voilà plus de trois mois que je ne t’ai écrit et que je n’ai reçu de lettres de toi… Je suis la plus coupable des deux, je ne t’ai pas répondu ; mais tu n’es pas susceptible, que je sache. Ton silence a été pris par Macumer et par moi comme une adhésion pour le Déjeuner orné d’enfants, et ces charmants bijoux vont partir ce matin pour Marseille ; les artistes ont mis six mois à les exécuter. Aussi me suis-je réveillée en sursaut quand Felipe m’a proposé de venir voir ce service, avant que l’orfèvre ne l’emballât. J’ai soudain pensé que nous ne nous étions rien dit depuis la lettre où je me suis sentie mère avec toi.

Mon ange, le terrible Paris, voilà mon excuse à moi, j’attends