Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/230

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bien de belles toilettes n’a-t-on pas pour mille écus ! Ceux qui conservent des diamants sont donc des fous ; mais, heureusement pour nous, les femmes ne veulent pas comprendre ces calculs.

— Je vous remercie de me les avoir exposés, j’en profiterai !

— Vous voulez vendre ? reprit avidement le juif.

— Que vaut le reste ? dit madame Évangélista.

Le juif considéra l’or des montures, mit les perles au jour, examina curieusement les rubis, les diadèmes, les agrafes, les bracelets, les fermoirs, les chaînes, et dit en marmottant : — Il s’y trouve beaucoup de diamants portugais venus du Brésil ! Cela ne vaut pour moi que cent mille francs. Mais, de marchand à chaland, ajouta-t-il, ces bijoux se vendraient plus de cinquante mille écus.

— Nous les gardons, dit madame Évangélista.

— Vous avez tort, répondit Élie Magus. Avec les revenus de la somme qu’ils représentent, en cinq ans vous auriez d’aussi beaux diamants et vous conserveriez le capital.

Cette conférence assez singulière fut connue et corrobora certaines rumeurs excitées par la discussion du contrat. En province tout se sait. Les gens de la maison ayant entendu quelques éclats de voix supposèrent une discussion beaucoup plus vive qu’elle ne l’était, leurs commérages avec les autres valets s’étendirent insensiblement ; et, de cette basse région, remontèrent aux maîtres. L’attention du beau monde et de la ville était si bien fixée sur le mariage de deux personnes également riches ; petit ou grand, chacun s’en occupait tant, que, huit jours après, il circulait dans Bordeaux les bruits les plus étranges : — Madame Évangélista vendait son hôtel, elle était donc ruinée. Elle avait proposé ses diamants à Élie Magus. Rien n’était conclu entre elle et le comte de Manerville. Ce mariage se ferait-il ? Les uns disaient oui, les autres non. Les deux notaires questionnés démentirent ces calomnies et parlèrent des difficultés purement réglementaires suscitées par la constitution d’un majorat. Mais, quand l’opinion publique a pris une pente, il est bien difficile de la lui faire remonter. Quoique Paul allât tous les jours chez madame Évangélista, malgré l’assertion des deux notaires, les doucereuses calomnies continuèrent. Plusieurs jeunes filles, leurs mères ou leurs tantes, chagrines d’un mariage rêvé pour elles-mêmes ou pour leurs familles, ne pardonnaient pas plus à madame Évangélista son bonheur qu’un auteur ne pardonne un succès à son voisin. Quelques personnes se vengeaient de vingt ans de luxe et de gran-