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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/239

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leur marché, si, pour vous, le titre est la raison suprême de ce mariage.

— Non, non, nous ne pouvons pas ainsi jouer notre honneur ! Je suis prise au piége, monsieur. Tout Bordeaux demain retentirait de ceci. Nous avons échangé des paroles solennelles.

— Vous voulez que mademoiselle Natalie soit heureuse, reprit Solonet.

— Avant tout.

— Être heureuse en France, dit le notaire n’est-ce pas être la maîtresse au logis ? Elle mènera par le bout du nez ce sot de Manerville, il est si nul qu’il ne s’est aperçu de rien. S’il se défiait maintenant de vous, il croira toujours en sa femme. Sa femme, n’est-ce pas vous ? Le sort du comte Paul est encore entre vos mains.

— Si vous disiez vrai, monsieur, je ne sais pas ce que je pourrais vous refuser, dit-elle dans un transport qui colora son regard.

— Rentrons, madame, dit maître Solonet en comprenant sa cliente ; mais sur toute chose, écoutez-moi bien ! Vous me trouverez après inhabile, si vous voulez.

— Mon cher confrère, dit en rentrant le jeune notaire à maître Mathias, malgré votre habileté vous n’avez prévu ni le cas où monsieur de Manerville décéderait sans enfants, ni celui où il mourrait ne laissant que des filles. Dans ces deux cas, le majorat donnerait lieu à des procès avec les Manerville, car alors

Il s’en présentera, gardez-vous d’en douter !

Je crois donc nécessaire de stipuler que dans le premier cas le majorat sera soumis à la donation générale des biens faite entre les époux, et que dans le second l’institution du majorat sera caduque. La convention concerne uniquement la future épouse.

— Cette clause me semble parfaitement juste, dit maître Mathias. Quant à sa ratification, monsieur le comte s’entendra sans doute avec la chancellerie, s’il est besoin.

Le jeune notaire prit une plume et libella sur la marge de l’acte cette terrible clause, à laquelle Paul et Natalie ne firent aucune attention. Madame Évangélista baissa les yeux pendant que maître Mathias la lut.

— Signons, dit la mère.

Le volume de voix que réprima madame Évangélista trahissait