Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/346

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Camille Maupin est sublime : l’or de son regard allume le blanc jaune, et tout flambe ; mais au repos, il est terne, la torpeur de la méditation lui prête souvent l’apparence de la niaiserie ; quand la lumière de l’âme y manque, les lignes du visage s’attristent également. Les cils sont courts, mais fournis et noirs comme des queues d’hermine. Les paupières sont brunes et semées de fibrilles rouges qui leur donnent à la fois de la grâce et de la force, deux qualités difficiles à réunir chez la femme. Le tour des yeux n’a pas la moindre flétrissure ni la moindre ride. Là encore, vous retrouverez le granit de la statue égyptienne adouci par le temps. Seulement, la saillie des pommettes, quoique douce, est plus accusée que chez les autres femmes et complète l’ensemble de force exprimé par la figure. Le nez, mince et droit, est coupé de narines obliques assez passionnément dilatées pour laisser voir le rose lumineux de leur délicate doublure. Ce nez continue bien le front auquel il s’unit par une ligne délicieuse, il est parfaitement blanc à sa naissance comme au bout, et ce bout est doué d’une sorte de mobilité qui fait merveille dans les moments où Camille s’indigne, se courrouce, se révolte. Là surtout, comme l’a remarqué Talma, se peint la colère ou l’ironie des grandes âmes. L’immobilité des narines accuse une sorte de sécheresse. Jamais le nez d’un avare n’a vacillé : il est contracté comme la bouche ; tout est clos dans son visage comme chez lui. La bouche arquée à ses coins est d’un rouge vif, le sang y abonde, il y fournit ce minium vivant et penseur qui donne tant de séductions à cette bouche et peut rassurer l’amant que la gravité majestueuse du visage effraierait. La lèvre supérieure est mince, le sillon qui l’unit au nez y descend assez bas comme dans un arc, ce qui donne un accent particulier à son dédain. Camille a peu de chose à faire pour exprimer sa colère. Cette jolie lèvre est bordée par la forte marge rouge de la lèvre inférieure, admirable de bonté, pleine d’amour, et que Phidias semble avoir posée comme le bord d’une grenade ouverte, dont elle a la couleur. Le menton se relève fermement ; il est un peu gras, mais il exprime la résolution et termine bien ce profil royal sinon divin. Il est nécessaire de dire que le dessous du nez est légèrement estompé par un duvet plein de grâce. La nature aurait fait une faute si elle n’avait jeté là cette suave fumée. L’oreille a des enroulements délicats, signe de bien des délicatesses cachées. Le buste est large. Le corsage est mince et suffisamment orné. Les hanches ont peu de saillie, mais elles